ALIEN : Romulus

EN DEUX MOTS : pour clôturer une saison estivale, et plus globalement (pour le moment) une année sur grand-écran, en demi-teinte, ALIEN : ROMULUS s’inscrit comme ma plus grande attente (et indirectement, crainte) de 2024 au cinéma. 7 ans après le mal-aimé Alien Covenant (que j’avais tout de même apprécier sous de nombreux aspects), la saga de Science-fiction et d’horreur fait peau neuve avec un septième opus ambitieux.

Un film de fan qui semble revenir aux sources de la saga via de nombreuses caractéristiques. Pour preuve, ce nouveau film se positionne même comme un semi-préquel aux deux premiers opus références en plaçant son action entre Alien : Le Huitième Passager et Aliens. Sois en l’année 2142 de son univers dystopique.

Alors qu’il entreprend des fouilles dans une station spatiale abandonnée, un groupe de jeunes voyageurs se retrouve confronté à la forme de vie la plus terrifiante de l’univers…

Allociné

Si son aspect teenage m’a tout d’abord (légèrement) rebuté, le cast de la jeune Cailee Speany s’est avéré rassurant. Et bien évidemment, le fait que le réalisateur Fede Álvarez mène le projet demeure une idée prodigieuse pour relancer la saga. Grand habitué du cinéma anxiogène (après l’exemplaire remake d’Evil Dead et le réussi Don’t Breathe) et véritable fan de l’univers Alien, l’Uruguayen fait en effet preuve d’un savoir-faire idéal.

ALIEN : Romulus renoue donc avec un casting aussi restreint que son environnement en huis clos et sa menace d’apparat limité. Le metteur en scène mise sur une installation du suspense progressive et une terreur sourde. Dans ce sens, ses bandes-annonces se sont révélées exaltantes via ses différentes références et son design prometteur. (même si je me suis volontairement limité à leurs visionnages pour restreindre les spoilers.).

Toujours est-il que pour tout fan qui se respect ce nouvel opus est, sans aucun doute, stimulant. Si ce n’est plus. 45 ans après le chef d’œuvre initié par Ridley Scott, la saga peut-elle réellement renaître et marqué son époque ? Pas vraiment, mais…

« Dans l’espace, personne ne vous entendra crier« . 2.0

ALIEN : Romulus s’inscrit dans la lignée de ses (rares) films hommages qui parviennent à tirer parti de leur référence. Ce qui les bride, les renforce. Et pour preuve, ce septième opus transpire de tous ses pores le revival bancal, mais pourtant d’une efficacité redoutable. Fede Álvarez parvient ainsi à puiser dans l’essence des différents opus tout donnant du corps à son propre film. Un véritable numéro de funambule qui fait de Romulus un des épisodes les plus solides de la saga. Malgré ses défauts.

Le réalisateur, également co-scénariste au côté de son comparse Uruguayen Rodolfo Sayagues, met en scène un pur film d’horreur sous forme de survival. La formule demeure connu, mais révèle quelques petites surprises en cours de route. En presque deux heures, celui-ci installe son suspense progressivement, de l’excursion angoissante à l’explosion d’horreur, via trois actes à l’efficacité tout aussi progressive.

De son intro galvanisante sur la création à la présentation de son petit groupe prêt à tout pour quitter leurs foyers inhospitaliers, le film se voit doté d’un esthétisme vintage nécessaire et indissociable à son univers S.F. lugubre et poisseux. Ses décors intérieurs prédéfinis à l’univers Alien sont à la fois austères et/ou cliniques et le mouvement de ses vaisseaux peu élégants dans l’espace nous rappellent ses premiers opus. Couplé d’un jeu de lumière divin, le film s’impose d’emblée comme une œuvre vintage et indémodable. Alliant modernité et cinéma artisanal.

L’atmosphère que divulgue Fede Álvarez est donc idéal et Romulus se voit traversé de plans mémorables. Qu’ils soient à petites (le désarroi des personnages) comme à grande échelle (les turbulences de sa station). De plus, lors de son voyage en enfer, l’aventure spatiale sera exploitée ses différents décors à merveille. Pour un résultat lisible, cohérent, et qui favorise l’immersion.

Romulus (et Rémus) et le dogme de la création.

En s’inscrivant comme la quatrième héroïne de son univers S.F. l’actrice Cailee Speany renoue avec l’image de la survivante, mais repose également sur une dynamique de duo. Au côté du Britannique David Jonsson (découvert dans la série Industry). Une relation de frère et sœur (entre Rain, humaine, et Andy, un homme artificiel) qui fonctionne à merveille, en parallèle au quatuor qui les accompagne. Quelques atouts dramatiques néanmoins étouffés par une écriture trop classique.

Au côté des idéaux Rain & Andy, mais à l’instar d’eux également, le maigre casting dispose en effet d’une lumière vacillante. S’y démarque tout de même son casting féminin. La belle Isabela Merced, star montante, et l’inconnue Aileen Wu, aux centres des scènes marquantes de cet opus. Le réalisateur a toujours su mettre en valeur ses héroïnes, mais aujourd’hui, et plus qu’hier, Romulus souffre de lacunes de caractérisations bien connus du réalisateur.

L’un de ses plus gros défauts permet toutefois de nous faire (re)découvrir son bestiaire culte. Via une technique (l’animatronique) artisanale qui a fait ses preuves, le réalisateur et son équipe redonnent par exemple de l’intérêt à ses effrayants facehugger. Par le biais de quelques scènes bien pensées et parfaitement mises en scène. Vient s’y ajouter l’iconique Xénomorphe dans son plus simple esprit de création organique et dont l’exploitation restreinte fera également son effet.

Dans sa démonstration purement graphique, ALIEN : Romulus mérite son interdiction (française) au moins de 12 ans. Mais ne choque jamais, hélas. Avec peu de personnages à l’écran, le film limite par la même occasion son nombre de victimes, et même s’il exploite la dangerosité de ses créatures, restreint son climax d’horreur via un montage un brin expédié. L’une de mes rares, mais mes plus vives déceptions assurément.

Un film pour les fans… par un fan.

Néanmoins, le film de Fede Álvarez impressionne pour sa plastique et sa technique qui outrepasse ses défauts. À l’instar et contrairement au chef d’œuvre de 1979, dont il s’inspire le plus, Romulus fonctionne à la fois sur un effet de suspense latent et un concept graphique organique toujours ambigu sexuellement. Un doux mélange qui fait ses preuves, et notamment dans une dernière partie de body-horror audacieuse alors que fortement casse-gueule.

Selon les dires du réalisateur, le studio lui a laissé une liberté totale. Ce qui s’avère immensément positif dans l’ère hollywoodienne et dans ses multiples restrictions qui ont toujours desservi une œuvre.

Le metteur en scène a donc mis l’accent sur la peur que représentent les monstres que les fans connaissent pourtant sous toutes les coutures en exploitant ainsi brillamment leurs caractéristiques. Sur ce point, le sang acide n’a jamais été aussi jouissif dans ses différentes représentations et utilités. (la scène en zéro gravité, formidable). Toutefois, au-delà de ce plaisir, il faut avouer qu’ALIEN : Romulus manque de pure moments de frousse, à l’instar de son climax meurtrier.

Ses incartades d’action quant à elles sont parfaitement dosées. Tout comme le film. Entre courses-poursuites haletantes et face-à-face sous tension.

Enfin, la saga Alien a toujours fait foi de la morale des hommes dans un monde exploitable. Qu’ils s’agissent de ses ressources, humaines comme extraterrestres. Toujours par le biais de la compagnie Weyland Yutani, elle nous interroge sur l’évolution humaine et la colonisation. Et ses limites. Justement, aujourd’hui, Romulus use d’un caméo (technique) qui démontre ses limites de référence, mais dresse le profil toujours ambigu des androïdes dans l’intrigue. Cette fois via David Jonsson et son double rôle révélateur. Entre (très) empathique et glacial. C’est toute la limite d’ALIEN : Romulus.

CONCLUSION

Très globalement, ALIEN : Romulus demeure une aubaine du genre. Le film se positionne à la fois comme un digne héritier de la saga en renouant avec les atouts de ses deux premiers opus, mais n’en occulte pas sa mythologie ultérieure. Malgré ses quelques lacunes de scénario, Fede Álvarez accomplie un travail hors pair à la réalisation. Celui-ci dispose intelligemment de son univers et délivre une œuvre plastiquement impeccable.

Ce n’est pas l’uppercut espéré (et qui s’avérer inaccessible), mais il s’agit d’une démonstration redoutable pour la saga. Un film hommage, référence, mais qui s’absout également de ses aînées. Le premier pas vers une renaissance concrète ? La série Alien : Earth, à venir de Noah Hawley nous le dira.


Les + :

  • Un vibrant hommage aux premiers Alien, par son esthétisme vintage et son installation du suspense progressif.
  • Malgré ses multiples références parfois étouffantes, le film parvient à puiser dans sa large mythologie de Science-fiction et d’horreur intelligemment et à se démarquer de ses aînées.
  • Une réutilisation organique et maligne des Facehugger et Xénomorphe par le biais de quelques scènes d’action exaltante, rondement mis en scène et un jeu de lumière grandiose.
  • Fede Álvarez exploite merveilleusement ses décors, délivre quelques scènes graphiquement magnifiques et dévoile une atmosphère poisseuse et inquiétante à souhait.
  • Sans être renversant, le duo campé par Cailee Spaeny et David Jonsson fonctionne à merveille. Elle pour son charme juvénile de survivante et lui pour son double rôle d’homme artificiel à la fois attachant et glaçant.
  • Une troisième partie à la fois épique et audacieuse. Notamment dans sa démonstration de body-horror casse-gueule et pourtant salvatrice.

Les – :

  • Le film flirte régulièrement avec ses limites de références. Un hommage qui le bride autant qu’il fonctionne à l’écran.
  • Une caractérisation faiblarde et mécanique de ses personnages. Ce qui découle sur quelques rebondissements peu surprenants dans leurs parcours funestes.
  • Si son montage de deux heures est plutôt bien exploité, son climax meurtrier et d’horreur graphique manque de mordant et parfois de temps pour pleinement convaincre. De plus, il manque au film de vrais frissons pour compléter son sens du suspense.

MA NOTE : 16.5/20

Les crédits

RÉALISATION : Fede Álvarez / SCÉNARIO : Fede Álvarez & Rodolfo Sayagues

AVEC : Cailee Spaeny & David Jonsson, Archie Renaux, Isabela Merced, Spike Fearn, Aileen Wu (…)

SORTIE (France) : 14 août 2024 / DURÉE : 1h59

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